• Les Cahiers du DRH, Nº 293, Janvier 2022
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  • Agir contre le malaise des DRH
Les Cahiers du DRH, 293, 01-01-2022
Les Cahiers du DRH

Agir contre le malaise des DRH

Agir contre le malaise des DRH

Mis à jour le 03/01/2022

Surengagés, volontaires et souvent exemplaires, les DRH sont sortis épuisés de la crise sanitaire. Quels leviers actionner pour les aider à tenir le coup ?

Portée

© GettyImages

Isabelle DEZANIAUX

DRH

Jacques-François FOURNOLS

Executive Coach HEC Accompagnement de dirigeants et managers Cabinet https://hesperum.fr

Les enquêtes et les sondages relatifs au moral des salariés font apparaitre que le taux d'absentéisme augmente régulièrement, y compris pour les cadres (1) .

Par ailleurs, en 2020, 59 % des salariés estimaient « ne pas être réellement ou plus exactement mentalement au travail un à deux jours par mois », ce chiffre s'élevant à une à deux fois par semaine pour 28 % d'entre eux (2) .

Pour expliquer les raisons de ces déconnections mentales au travail, on notait, par ordre décroissant :

  • la perte de sens et de motivation pour 30 % des répondants ;
  • la fatigue personnelle pour 28 % d'entre eux ;
  • des préoccupations personnelles pour 21 % des sondés ;
  • un épuisement pour 18 % ;
  • et, pour 14 %, leur état de santé personnel.

Il y a un malaise au travail.

Et qu'en est-il des DRH eux-mêmes ? Ballotés entre la stratégie des CoDir, la révolution numérique, l'individuel et le collectif et une volonté farouche de protéger l'emploi durant les périodes d'incertitude, les DRH, en pointe dans l'accompagnement de la performance économique et sociale de l'entreprise, expriment en même temps de plus en plus souvent les difficultés de leur fonction.

Quelle posture doivent-ils adopter ?

Comment les accompagner ?

DES PROFESSIONNELS TOUJOURS MOBILISÉS ET ÉPUISÉS

Comme un jour sans fin...

Beaucoup se disent exténués, expriment une perte de sens à force de travailler avec « le nez dans le guidon ». Mais qui se soucie vraiment, en entreprise, du mal-être des DRH ?

Fatigués, ils sont et restent dans leur majorité engagés, tout en osant rarement exprimer, ou ne serait-ce qu'évoquer, leurs ressentis, leurs émotions et leurs difficultés au sein de leur structure interne en encore moins en CoDir.

Ainsi, selon un autre sondage (3) , 64 % des 361 professionnels RH interrogés entre le 2 novembre et le 11 décembre 2020 estimaient que leur charge de travail s'était considérablement accrue au cours de la crise sanitaire.

En synthèse, les responsables de l'enquête retenaient que « c'est dans les plus grandes structures que l'on retrouve le pourcentage de professionnels RH les plus affectés par la crise (47 % dans les entreprises de plus de 200 salariés, contre 41 % dans les TPE/PME de moins de 50 salariés). Et ce sont les fonctions de direction ou de management RH qui révèlent subir le plus la crise actuelle (53 % contre 35 % chez les gestionnaires et assistants RH). Une surprise donc, puisque, alors que l'on peut penser que la crise affecte en majorité les gestionnaires RH en PME, a priori plus démunis en termes de moyens que les grandes entreprises, ce sont bien les directions RH des grandes entreprises qui se révèlent les plus touchées par la situation sanitaire actuelle » (4) .

Enfin, le « Baromètre 2020 : les DRH au quotidien » (5) révélait au début de l'année 2021 que 90 % d'entre eux sont au bord de l'épuisement. C'est-à-dire que le burn-out dans la fonction RH existe... et l'on en parle assez peu.

VERBATIM Fabrice, secteur de l'immobilier : « Je sens une boule en moi depuis plusieurs mois ; je tiens bon pour mon équipe, mais je me pose sérieusement la question d'une reconversion en gardant encore la volonté d'accompagner l'humain (...) et c'est précisément cela qui me manque avec tout ce qui nous tombe dessus (...) je n'ose même pas en parler avec des confrères et des consœurs. Je touche du doigt la solitude. »

Parallèlement, l'ANDRH indique que la ligne d'écoute et d'assistance mise à disposition de ses adhérents a bondi de 50 % en début d'année 2021. « Je suis cuit. Nous sommes tous cuits », résume sans détour Benoît Serre (6) .

Entre malaise des salariés, pression liée à l'urgence et au temps, le nombre de réunions en présentiel ou distanciel qui ne cesse d'augmenter, un droit à l'erreur inexistant et en parallèle des obligations de résultat (7) , notamment en matière de santé des salariés (alors même qu'il s'agit d'un véritable enjeu national qui dépasse largement l'entreprise), les DRH se retrouvent à gérer des situations difficiles (parfois tragiques) tout en :

  • assurant des reporting chiffrés encore trop souvent uniquement financiers ;
  • respectant des budgets identiques, voire moins importants, d'un exercice à l'autre ;
  • devant « jongler » avec des injonctions contradictoires entre ce qui est dit et ce qui est fait, entre ambitions et moyens accordés, entre l'humain et le sens.

VERBATIM Claire, DRH dans le secteur de l'enseignement privé : « Je finis mon travail le soir en sachant que ma charge de travail sera encore plus importante demain. Et demain, j'aurai mon lot quotidien de difficultés. Cela m'épuise de plus en plus. Je ne sais pas si mes pairs du CoDir s'en rendent bien compte Je sais aussi que cette période constitue une nouvelle opportunité pour les RH, car le travail change et je veux pourtant faire évoluer les choses dans mon entreprise. »

L'exemplarité À quel prix ?

L'exemplarité ! De manière tacite et historique, les DRH incarnent cette qualité. Ils sont « naturellement » et « évidemment » représentatifs des valeurs de l'entreprise, des bons comportements à adopter. Ils doivent être générateurs d'idées nouvelles, défenseurs des traditions, sponsors inconditionnels des décisions de la direction générale. Ils sont évidemment bienveillants, résilients, compréhensifs, à l'écoute des autres. Ils doivent être prompts à s'adapter à tout changement, avec bonne humeur et pédagogie, et ce avec autant d'entrain que pour soutenir un statu quo dans le cadre d'une démarche de prudence.

Pas de fatigue physique ou mentale autorisée, pas de baisse de moral, pas de fluctuation de motivation pour celles et ceux qui portent les sujets RH au sein de l'entreprise. Pas d'excès, pas d'écart, pas de « coup de gueule ».

Le DRH s'autorégule, maîtrise ses colères, ses peurs, ses moments de tristesse. Il est positif et ne partage que du constructif.

C'est en toute hypothèse ce que chacun, quel que soit son niveau de responsabilité dans l'organisation, attend de lui.

Cette nécessité permanente d'être dans l'exemplarité, sans droit à l'erreur, sans faille, est une composante souvent méconnue, voire sous-estimée, par les collaborateurs et leurs pairs, membres du CoDir.

La totalité de leur temps disponible est consacrée aux autres. Aucun répit ne leur est laissé en dehors des thématiques de recrutement et de marque employeur, de formation, de développement des compétences, d'animation des instances représentatives du personnel, de politique de rémunération, de gestion administrative des collaborateurs, de droit social, de communication interne... la liste n'est pas exhaustive.

VERBATIM Anne-sophie, DRH adjointe secteur des bureaux d'études : « Il y a quelques années je dépendais, dans le cadre de ces responsabilités RH, du directeur général. L'entreprise disposait d'une organisation matricielle. Lors d'un déplacement en région, j'ai fait un malaise. Je n'ai pas osé appeler mon n+1. J'ai contacté mon DRH qui m'a conseillé de rentrer et d'appeler immédiatement mon médecin. Avec le recul, je n'étais pas en mesure d'en parler, notamment pour cause d'épuisement, et cela m'a longtemps interrogée sur la place de la fonction dans l'entreprise. »

Cette exigence qui se perpétue forme un cadre d'intervention très lourd au quotidien. S'astreindre à ne diffuser que du positif, prendre sur soi, se transformer pour apparaître toujours « au top » dans ses interactions est une composante tout à fait singulière de la fonction RH qui en fait sa noblesse, mais peut entraîner chez certains professionnels des difficultés passagères, voire plus profondes.

Une mobilisation intacte

Durant cette période extraordinaire que chacun traverse depuis plusieurs mois, l'incertain a bousculé les habitudes, les zones (conscientes ou non) de confort, ainsi que les intérêts individuels et collectifs des entreprises. Forts de cette situation, les DRH se sont largement mobilisés et rapprochés des directions générales des entreprises et l'on peut s'en réjouir.

Pour autant, les membres des ressources humaines, conscients de leur rôle, ressentant un déséquilibre émotionnel, ont renforcé leur effort à titre personnel et professionnel pour prendre soin d'eux « tout seuls », pour entretenir leur santé afin d'être le plus performants au sein de leur entreprise.

L'utilisation accrue de la ligne d'écoute pour les adhérents à l'ANDRH a permis à ses 5 000 membres d'évacuer la charge émotionnelle que nécessite et qu'implique le travail de DRH.

Les thérapeutes de l'humain (sophrologues, psychothérapeutes, hypnotiseurs...) ont constaté depuis 2020 une progression importante du nombre de DRH dans leur patientèle. Ces derniers ont ressenti le besoin d'exprimer auprès de professionnels à leur écoute :

  • leurs difficultés ;
  • leur trop plein d'émotions ;
  • leur positionnement en entreprise.

Outre la volonté de prendre soin d'eux et de leurs proches, leur motivation repose également sur le souhait de retrouver de l'énergie pour le collectif de travail. Les DRH ont une démarche altruiste : ils ne se referont pas !

Ces actions en urgence, suite au trauma sociétal qu'a constitué la Covid-19, ont vocation à s'inscrire dans la durée d'une manière ou d'une autre.

Des associations territoriales d'un même secteur d'activité se sont créées, des professionnels de l'humain et du droit se sont mobilisés pour réduire l'isolement, partager expériences et difficultés, et aider à dépasser certains obstacles conjoncturels.

Illustration Pendant le premier confinement du printemps 2020, Jean-Bernard Bost et Olivier Endelin (8) ont fait une expérience inspirante et stimulante : les « bulles de dialogue ».

« Initiée par Christine Koehler, cette modalité visait à donner un espace de parole libre et sécurisant, à un moment où nous ressentions tous le besoin d'échanger "de cœur à cœur" avec des inconnus sur cet événement inédit.

« Conscients que nos clients et partenaires, la plupart investis dans des fonctions de ressources humaines, étaient très mobilisés et ressentaient particulièrement le besoin de se poser et de partager leur expérience riche et éprouvante pour certains, nous avons décidé d'adapter cette modalité pour initier les "Partages RH".

« Ces rendez-vous mensuels et gratuits en ligne ne sont ni des webinars, ni des sessions de co-développement. L'intention est davantage de se ressourcer en livrant librement ses questions, doutes, appréhensions, et aussi espoirs, envies et projets à des pairs vivant des expériences similaires. Les thématiques RH ne sont souvent qu'un prétexte. Si le partage d'expériences est un déclencheur stimulant, nos plus fidèles participants attendent souvent avec impatience les prochaines sessions pour prendre et donner des nouvelles. Le protocole est simple et maintenant bien rodé : il constitue un cadre sécurisant qui favorise les échanges authentiques. Petit à petit, une communauté de professionnels des ressources humaines s'est constituée.

« Au bout d'un an d'expérimentation, la formule évolue : chaque participant est invité à tour de rôle à introduire le sujet du jour en quelques minutes, pour initier les échanges. Cela représente une belle opportunité de développer sa visibilité auprès de ses pairs (9) . »

Un mal-être à ne pas sous-estimer

Le rôle du DRH n'a pas cessé d'évoluer. On entend dire qu'il est le cœur de l'entreprise, la cheville ouvrière des directions fonctionnelles et/ou le bras armé de la direction des entreprises.

Connaissez-vous, en anatomie, un organe qui ait plusieurs fonctions ?

Dans ces conditions, n'est-il pas compréhensible que les DRH soient épuisés, sans compter que certaines missions qui leur sont confiées peuvent se révéler contraires à leur éthique personnelle et/ou professionnelle ?

Plus que d'autres directions, la fonction RH est souvent amenée à prendre des risques juridiques, y compris au plan individuel dans le cadre de clauses contractuelles de délégation.

Si à cela on ajoute le fait qu'ils doivent le plus souvent faire face à des critiques négatives, les charges émotionnelle et mentale des DRH sont bien fréquemment occultées par toutes les parties prenantes.

Quel temps les DRH consacrent-ils à eux-mêmes, à leur propre développement personnel ? Ils imaginent et construisent des programmes pour les membres de leur organisation, y compris dans le cadre de contraintes budgétaires, mais prennent-ils le temps d'en bénéficier ? Comment approfondissent-ils et améliorent-ils leur connaissance de soi ? Quand font-ils un point d'étape sur leurs talents, leurs savoir-faire, leurs savoir-être, la maîtrise de leurs émotions ? Comment s'assurent-ils d'être toujours en phase avec leurs aspirations profondes, leurs valeurs, le sens qu'ils donnent à leur engagement professionnel, à leur évolution ? De quel accompagnement professionnel bénéficient-ils pour dresser un bilan des années passées et construire, en toute sincérité, en âme et conscience, la suite de leur plan de route ?

VERBATIM « Les signes d'usure mentale sont à prendre au sérieux », alerte Xavier Alas Luquetas (10) . « Sur le nombre, certains vont craquer : les directions générales d'entreprise devraient se focaliser sur ces personnes en première ligne qui apportent du soutien et de la régulation. Dans un contexte de crise comme celui-ci, qui sont les personnes les plus impactées ? Le phénomène est occulté aujourd'hui. Il y a un blanc. On passe ici à côté de quelque chose d'essentiel. Si les DRH craquent, c'est toute l'organisation qui risque d'être touchée. »

Le DRH porte la responsabilité de sujets qui sont non seulement très divers, mais qui demandent sa présence et son intervention souvent sans délai. Tenir son agenda pour un DRH relève, vraisemblablement plus que pour tout autre membre de l'entreprise, de la gageure. Cet emploi du temps ne permet pas d'inclure des moments de respiration, de réflexion, de prise de recul indispensables à tout dirigeant.

VERBATIM Eléonore, RRH junior dans le secteur industriel : « Je ressens toute la dichotomie entre les raisons pour lesquelles j'ai choisi les RH, à savoir parce que j'aime l'humain (je sais c'est une réponse un peu bateau, mais tellement sincère), et le fait que la fonction RH soit mal aimée dans l'entreprise Il faut faire avec, mais ce n'est pas toujours très facile et curieusement, les attaques personnelles contre des DRH, celles dont a été victime ma profession, même si je sais qu'il y a d'autres professionnels touchés, me motive davantage dans mon objectif professionnel. »

PISTES À EXPLORER

Des actions peuvent être menées pour permettre d'alléger la charge mentale des DRH au sein des entreprises.

La voie du coaching individuel

Intérêt

En posant la question à une dizaine de coachs intervenant en entreprise, « Avez-vous parmi les personnes que vous avez coachées des DRH ? », ces professionnels répondent unanimement « Non » et s'en étonnent de manière consciente. Les DRH sont prescripteurs, parfois formés, voire certifiés au coaching, pourtant ils sont rarement eux-mêmes coachés. À ce peu d'appétence pour le recours aux services d'un coach pour les épauler directement, on identifie plusieurs raisons :

  • un manque de temps. Bloquer dans son agenda des plages horaires de deux heures (ou plus si la séance est en présentiel dans les locaux du coach), deux fois par mois, semble être impossible à envisager. L'agenda est déjà complet ;
  • une raison avancée est verbalisée sous la forme d'un scrupule. Le DRH gère l'enveloppe budgétaire annuelle des coachings pour l'ensemble de l'entreprise et il n'ose pas en absorber une partie pour lui-même, estimant que les autres en ont davantage besoin ;
  • une troisième raison est de l'ordre de la projection. Demander à son directeur général un coaching pourrait être perçu comme un aveu de faiblesse, alors même que le DRH se doit d'être un pilier inébranlable de la structure ;
  • une quatrième raison se présente peut-être comme une pointe de remise en question de l'efficacité même d'un coaching pour eux-mêmes, qui connaissent les ressorts, les outils et le cadre de cet accompagnement individuel.

Le coaching propose un espace de réflexion, de ressourcement, de prise de recul, et s'adresse pourtant également aux DRH !

Il permet à son bénéficiaire de s'extraire des turbulences quotidiennes, de s'octroyer des temps de respiration pendant lesquels il pourra se concentrer sur lui-même, en toute sécurité et confidentialité, sous le regard bienveillant et l'écoute active d'un professionnel.

Les objectifs de cet accompagnement individuel varient en fonction des personnes et des contextes. Ils sont déterminés lors d'une réunion de lancement, et peuvent être centrés sur la personne en tant qu'individu, ou englober des thématiques plus opérationnelles.

Les DRH connaissent bien l'exercice de style du coaching individuel pour le promouvoir, en interne, auprès de certains de leurs collaborateurs, voire de leurs dirigeants pour lesquels ils ont identifié un besoin.

C'est à ces derniers qu'il appartient désormais :

  • d'être attentifs aux membres de la direction RH et particulièrement à leur DRH ;
  • de se rappeler qu'un certain nombre d'entre eux font appel à des coachs ou des mentors régulièrement et disposent « d'espaces de respiration professionnelle » ;
  • qu'en communication, le non-dit est plus important que ce qui est exprimé.

Émergence d'un nouveau protocole : la supervision

En réponse à de tels arguments, un nouveau protocole apparaît pour permettre aux DRH de se faire aider utilement. Il s'agit de la supervision de DRH. Celle-ci, longtemps réservée aux métiers de l'accompagnement (médecins, thérapeutes, psychologues, sophrologues, coachs, mentors), se déploie désormais auprès des dirigeants de l'entreprise et, en particulier, des DRH.

La conception traditionnelle de la supervision intègre quatre dimensions principales :

  • le développement du supervisé (tant personnel que professionnel) ;
  • la résolution des problèmes techniques ou conceptuels rencontrés dans l'exercice de sa profession ;
  • le support ou ressourcement donné à l'intéressé lorsqu'il est affecté personnellement dans l'exercice de sa profession ;
  • et la coréflexion avec le supervisé sur la pratique de son métier, ses motivations, ses valeurs et le sens qu'il donne à son activité (11) .

De manière plus lapidaire, Michael Carroll a, en 2007 (12) , défini la supervision comme « une co-élaboration permettant au supervisé de réfléchir sur son travail en vue de faire mieux ».

Pour répondre pleinement aux attentes et aux contraintes opérationnelles des DRH, la supervision collective offre un protocole très adapté et très performant qui :

  • les aide à améliorer la qualité de leurs interventions ;
  • les assiste dans leur développement professionnel continu ;
  • leur apporte un soutien nécessaire en cas de difficulté lors de l'exercice de leur métier ;
  • offre également un espace de coréflexion, cocréation, coconstruction et recherche de sens.

Les échanges d'énergie, d'idées, les reflets systémiques (13) , les interactions sont toujours très riches et font grandir les participants, au-delà de l'élargissement de leur réseau de pairs. Ce cadre de bienveillance, de neutralité et de confidentialité est une réponse très efficace au besoin de ressourcement et de prise de recul des DRH.

Co-développement et supervision collective Le codéveloppement (14) suscite l'intelligence collective du groupe selon l'application d'une méthode en six étapes, encadrée par un animateur dûment formé. Ce dernier reste dans le groupe au même niveau que chacun, sans prendre de recul pendant les séances, sans adopter la position méta (15) . Le codéveloppement a pour but d'avancer sur une thématique professionnelle particulière que l'un des participants met en avant.

La supervision collective offre à ses participants, non seulement l'intelligence collective au profit du demandeur sur des thèmes professionnels, mais également un espace de coréflexion et de recherche de sens. Elle accueille chaque participant dans l'exercice de son métier, y compris dans ses difficultés personnelles à l'exercer et dans son développement professionnel continu. Un membre du groupe peut également travailler sur sa conscience de soi, ses motivations profondes et le sens de son investissement professionnel. La supervision collective permet de détecter les reflets systémiques au sein du groupe formé ou entre le groupe et l'extérieur.

En pratique, chaque groupe compte entre quatre et six participants. Il est animé par un superviseur certifié (16) qui peut, le cas échéant, être accompagné par un autre DRH. Le temps de parole est équitablement réparti entre les DRH participants et permet donc à chacun de partager une ou plusieurs thématiques de quelque ordre que ce soit avec le groupe. Les nombreux processus d'animation possibles de la supervision permettent au superviseur de choisir la plus pertinente en fonction du groupe et de la problématique avancée. Les témoignages des participants sur le bien-fondé de ce protocole de supervision collective sont unanimes quant à sa performance et à son impact immédiat sur leur vie professionnelle... et personnelle.

Ce protocole permet aussi de sortir du cadre de travail et/ou de l'entreprise. L'espace de respiration doit être physique et matérialisé, ne serait-ce que par un trajet aller/retour pour se « mettre en condition ». Les DRH ont besoin de sortir de leur contexte pour engager ce travail et amorcer leur « remontée ».

Un organe, une fonction : externaliser certaines tâches

Certains auteurs suggèrent, pour éviter l'éparpillement des missions, que les DRH se recentrent sur la relation humaine en se concentrant sur les tâches ayant le plus de valeur ajoutée de ce point de vue, qui constituent des axes de performance sociale, et en généralisant l'externalisation de certaines activités. « Je (17) propose aux DRH de confier toutes les secondes missions (18) à d'autres acteurs, internes ou externes, et de se concentrer sur les premières » (19) .

VERBATIM Caroline, DRH, secteur Industrie Manufacturière : « Devant la complexification de notre périmètre d'intervention et l'intensification des sollicitations auxquelles nous devons faire face, nous avons décidé de transférer une partie de nos compétences dans les BU, qu'elles soient situées au siège ou décentralisées en région. Ainsi, des "RH partners", rattachés hiérarchiquement aux directeurs de BU et fonctionnellement à mon équipe, ont la responsabilité du process d'écoute des collaborateurs, de la mise en œuvre des entretiens d'évolution et d'une partie de la gestion administrative des collaborateurs. Cela permet à mon équipe de se recentrer sur les thématiques de recrutement et image employeur, de programmes de développement personnel des collaborateurs, de relation avec les partenaires sociaux, de construction de la vision stratégique RH pour l'entreprise et du pilotage des prestataires et partenaires extérieurs. »

Le développement du digital, la complexité de certains sujets, notamment dans le domaine juridique, peuvent être des pistes facilitant le ressourcement pour les DRH. En tout état de cause, s'interroger sur le fait de revoir les contours actuels de la sous-traitance en vue de les élargir peut apporter de belles surprises.

Il faut toutefois se garder de ne pas aller trop loin dans ce domaine. À trop sous-traiter, le risque est grand de perdre le pilotage de la gestion RH qui implique des volets réglementaires, des actes juridiques, des compétences en matière d'observation et d'écoute et de négociation, et de s'éloigner ainsi du collectif de travail.

Et si l'éthique était une voie ?

Ce sujet n'est pas récent. En 2016, déjà, une étude « mettait en évidence que 46 % des DRH interrogés avouaient avoir validé des décisions qui ne correspondaient pas à leurs valeurs » (20) . En 2019, 44 % d'entre eux reconnaissaient ainsi agir parfois contre leur éthique (21) .

Si cette préoccupation est parfois évoquée lors d'échanges informels, il faut reconnaitre qu'à ce jour elle n'a rencontré que peu d'écho, alors que les data chiffrées montrent une certaine constance.

En 2016, André Perret (22) évoquait l'idée d'une « clause de conscience pour les DRH » à l'instar de celle existant pour les journalistes. « La clause de conscience, si elle était adossée à une charte de déontologie, ne serait-elle pas la solution pour les DRH ? Intégrée dans une politique de RSE bien comprise, elle permettrait d'éviter les demandes inopportunes des n+1 et de refuser de se soumettre si l'éthique est en cause sans perdre ses droits (licenciement et non démission). Ce serait aussi une opportunité de communiquer sur des valeurs réelles, attirer et conserver les talents (marque employeur), donner aux partenaires sociaux une image rénovée de la fonction, et donc redonner un souffle de confiance. »

Cette même année (2016), un projet de charte RH était porté, notamment par Christian Sanchez (23) , mais il n'a pas davantage essaimé dans les entreprises, malgré le déploiement concomitant des chartes RSE.

Remarque Le Groupe Menway (24) applique une charte éthique pour ses équipes RH, qui fait en préambule référence au travail de Christian Sanchez.

Une telle charte dans le domaine RH ne sous-entend pas l'idée d'une clause de conscience qui serait iconoclaste, et sans aucun doute non « entendable » par les directions générales et en tout état de cause contreproductive. Son objet n'est pas de rechercher une forme de « protection légale », mais bien de mettre en adéquation le sujet de l'éthique, qui infuse dans la société (chez les citoyens, les collaborateurs, les candidats et notamment parmi les plus jeunes générations) avec les valeurs de l'entreprise.

L'éthique fait appel à l'autonomie et à la responsabilisation individuelle. Les DRH pourraient s'ouvrir un espace d'actions afin de renforcer leur posture et leur colonne vertébrale composée notamment d'engagements et de valeurs humaines.

Cela les autoriserait, face à une situation non conforme, à utiliser leur devoir d'alerte, afin de prévenir des conflits d'intérêts et garantir l'intégrité.

Relancer ce sujet, c'est aussi contribuer :

  • à une gestion plus efficace et plus intègre des RH au regard des enjeux, de la responsabilité personnelle, morale et juridique que portent les équipes dans la recherche de la performance sociale ;
  • au développement d'une image plus positive et plus professionnelle des RH.

C'est peut-être une autre clé d'entrée afin de soutenir les DRH dans leurs missions. Il est essentiel que le cœur de l'entreprise (= les RH) se porte bien.

De par leur savoir-faire et leurs valeurs empruntes d'humanisme, les DRH ont à cœur à la fois de donner du sens aux actions collectives, y compris lorsque l'entreprise se transforme, et aussi de soutenir les individus notamment dans leur désir d'évolution.

En cela, la fonction a su développer des capacités de résilience et d'engagement.

Ces femmes et ces hommes ont aussi besoin d'attention(s) pour se régénérer, particulièrement durant cette période de transition.

(1)

Enquête Malakoff humanis 2020 : https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-analyse-limpact-de-la-crise-sanitaire-et-des-risques-psycho-sociaux-sur-labsenteisme-en-entreprisee526-63a59.html.

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(2)

Enquête Ipsos pour OurCo en février 2020 : https://www.usinenouvelle.com/article/etude-2-jours-par-semaine-des-salaries-sont-presents-au-travail-mais-ont-l-espritailleurs.N931619.

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(3)

Sondage organisé par Gereso entre le 2 novembre et le 11 décembre 2020 : https://www.gereso.com/actualites/2021/01/12/enquete-professionnels-rh-commentallez-vous-les-resultats/.

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(4)

Sondage organisé par Gereso, précité.

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(5)

Baromètre 2020, édition Tissot.

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(6)

Vice-président de l'Association nationale des DRH (ANDRH), devenu DRH de l'Oréal en mai 2021.

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(7)

Obligation qui ne pèse d'ailleurs pas sur les professionnels médicaux.

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(8)

Coachs professionnels partenaires du cabinet Yuko : www.yuko-solutions.com.

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(9)

Pour en savoir plus, contact@yukosolutions.com

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(10)

Associé fondateur d'Eleas.

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(11)

F. Lamy et M.L. Moral, « Les outils du coach », InterEditions, 2021.

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(12)

Professeur à l'Université de Bristol.

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(13)

Pour F. Vitry, formatrice, coach et superviseur de coach : « La personne coachée a tendance à reproduire dans le cadre de son accompagnement ce qui se passe dans son propre contexte professionnel ou personnel et à faire vivre au coach son propre empêchement. C'est le cadre structurant et protecteur de l'accompagnement qui favorise un état de régression et provoque ce reflet. »

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(14)

Processus créé par A. Payette et C. Champagne. Pour en savoir plus, voir des mêmes auteurs « Le groupe de codéveloppement » aux éditions Presses Universitaires du Québec.

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(15)

Elle consiste à pratiquer une distanciation entre la situation et soi-même afin d'être à la fois l'acteur ET l'observateur de la scène.

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(16)

La certification ESIA (European Supervision Individual Accreditation) est un processus qui s'attache à évaluer trois aspects : les compétences, la posture et la démarche du superviseur dans sa pratique.

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(17)

T. Chardin, dirigeant fondateur de Parlons RH, auteur de « DRH mission ou démission », Éd. Diateino, 2021.

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(18)

Des missions risquées, qui n'apportent pas de valeur ajoutée, mais qui peuvent pénaliser l'entreprise lorsqu'elles sont mal exécutées.

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(19)

Des missions à forte valeur ajoutée représentant de vrais leviers de performance et d'utilité économique et sociale. Ce sont par exemple l'attractivité de l'entreprise, le conseil aux managers, la QVT...

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(20)

https://www.focusrh.com/tribunes/fonction-rh-et-ethique-toute-une-histoire-par-andre-perret-29313.html.

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(21)

https://static3.cegos.fr/content/uploads/2019/04/02123234/Cegos-brochure-Radioscopie-DRH-2019.pdf.

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(22)

Vice-président Directeur Pôle formation et conseil, groupe Dever, DMP et ass., professeur à l'UPEC, membre fondateur MAG RH.

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(23)

Alors Directeur du développement social du groupe LVMH, puis conseiller social pour LVMH et Thalès.

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(24)

https://groupemenway.com/charte-ethique-rh/.

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