• Le télétravail hybride plébiscité pour équilibrer les temps de vie (Observatoire du Télétravail-Ugict-CGT)
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Le télétravail hybride plébiscité pour équilibrer les temps de vie (Observatoire du Télétravail-Ugict-CGT)

Le télétravail hybride plébiscité pour équilibrer les temps de vie (Observatoire du Télétravail-Ugict-CGT)

Mis à jour le 08/12/2023

  • La rédaction de liaisons-sociales.fr
  • Intitulée « Télétravail et travail hybride : quelles conséquences ? », l’enquête nationale de l’Observatoire du Télétravail de l‘Ugict-CGT dresse un panorama de ce mode de travail alors que les entreprises commencent à renégocier leurs accords. Le syndicat livre aussi ses recommandations aux télétravailleurs.
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Un an presque jour pour jour après son lancement, l’Observatoire du télétravail créé sous l’égide de l’Ugict-CGT, le syndicat des cadres, ingénieurs et techniciens de la CGT, a publié, le 6 décembre, sa première étude d’envergure (1) sur ce mode d’organisation du travail. Cette enquête nationale, baptisée « télétravail et travail hybride : quelles conséquences ? » fait suite aux deux autres études post-Covid réalisées en 2020 et 2021 (plus de 15 000 réponses recueillies) par le syndicat de la centrale de Montreuil.

« Le télétravail est un travail hors les murs, qui remet en question le cadre du travail et ses trois unités fondamentales : l’unité de lieu, remise en question par le travail à distance et nomade, et par la dématérialisation du poste de travail ; l’unité de temps, dès lors qu’un lieu de travail externalisé modifie les possibilités de contrôle et de décompte du temps de travail ; l’unité d’action, questionnée par une redéfinition du périmètre d’action et d’organisation du collectif de travail », avertit en préambule l’Observatoire du télétravail, qui réunit scientifiques, experts et syndicalistes.

Equilibre vie professionnelle/vie personnelle

L’enquête révèle tout d’abord que le profil-type des salariés concernés par ce mode de travail est une femme jeune (30-39 ans), qui travaille dans le secteur privé, comme cadre ou ingénieure dans le secteur informatique et télécommunications ou dans l’industrie. Elle travaille en présentiel en moyenne 2 jours par semaine.

Le télétravail hybride est plébiscité pour équilibrer les temps de vie professionnelle et personnelle. En moyenne deux jours par semaine sont travaillés en dehors des locaux, indique l’étude. 92 % des sondés vivent plutôt bien ou très bien leur situation en télétravail. Le travail à distance est en effet motivé parce qu’il permet un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle (82 %) ; une meilleure concentration au travail (72 %) ; une plus grande autonomie (41 %) ; et un changement de cadre de vie (38 %). « Si les salariés plébiscitent le télétravail, c’est parce qu’il leur permet de reprendre la main sur l’organisation de leur travail », soulignent les auteurs de l’étude. Un télétravailleur sur deux se dit en outre satisfait de la quantité de télétravail qu’il est amené à produire.

Economiser les temps

Mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle, signifie concrètement économiser les temps qui sont à la marge du temps de travail effectif, indique l’étude. Laquelle liste les temps de trajet, de pause et informels. Dans ce contexte, la maîtrise du temps de trajet est la motivation principale à la demande de télétravail (91 %). Pour 51 % des sondés, ce dispositif permet de gagner entre 1h à plus d’1h30. Le rapport aux pauses est différent, constate l’Observatoire. Celles-ci sont ainsi moins fréquentes pour 40 % des personnes interrogées et moins longues pour plus d’un tiers (36 %). Le temps gagné est majoritairement employé pour la vie de famille et le repos.

Droit à la déconnexion

Les salariés tentent de reprendre le contrôle sur la gestion de leur temps par le télétravail. Ils sont 65 % à déclarer qu’ils ont la possibilité d’adapter leurs horaires de travail aux besoins de leur vie personnelle. « Cependant le télétravail induit des difficultés à distinguer le temps consacré au travail à celui dédié à la vie de famille ou à la vie sociale », selon l’étude. 40 % des répondants indiquent que leur employeur n’a pas défini de plage horaire sur laquelle ils doivent être joignables et 13 % ne savent pas si une telle disposition existe. Alors que les employeurs sont normalement tenus d’évaluer le temps que les salariés passent à travailler, plus de la moitié des personnes questionnées (55 %) affirment qu’il n’y a pas de dispositif d’évaluation du temps de travail et 58 % déclarent qu’il n’y a pas d’évaluation de leur charge de travail. En outre, seulement 36 % des sondés bénéficient d’un dispositif de droit à la déconnexion. A charge de travail équivalente, 35 % considèrent que le temps de travail est plus élevé qu’en présentiel.

L’enquête de l’Observatoire du télétravail relève par ailleurs que 48 % des répondants sont au forfait-jour. « Des salariés qui ont un vécu particulier du télétravail, en lien avec les modalités d’organisation de leur travail induites par le forfait-jour », indique-t-elle. À la question : « Comment vivez-vous votre situation en télétravail ? », 26 % répondent « très bien », soit 4 points de moins que chez les salariés au régime horaire. Pour les salariés au forfait-jour, le télétravail a pour conséquence une augmentation du temps de travail, tranche l’Ugict-CGT.

Des équipements non financés par l’employeur

Le syndicat estime que le télétravail coûte cher aux salariés, et « permet aux employeurs de drastiques réductions de coûts ». Une part importante de télétravailleurs dispose d’équipements ergonomiques de travail adaptés sans que ceux-ci n’aient été financés par leur employeur : 45 % disposent d’un siège ergonomique qu’ils se sont offert ; 31 % d’un écran qui n’a pas non plus été pris en charge par l’entreprise. En outre, 42 % des sondés indiquent que leur employeur ne participe pas financièrement aux frais induits par le travail à distance (hors frais de restauration).

Des télétravailleurs malades et au travail

Selon l’étude, les employeurs se défaussent de leur responsabilité en matière de protection de la santé. « Les salariés ont recours au télétravail quand ils sont malades pour pouvoir continuer à travailler notamment en raison de l’existence de jours de carence », remarquent les auteurs. Près d’un tiers (31%) des sondés déclarent télétravailler tout en étant malades pour éviter une perte de salaire ou parce que leur charge de travail est trop importante.

Alors que de nombreux accords télétravail font actuellement l’objet de renégociations, certains employeurs souhaitent un retour des salariés au bureau en limitant le nombre de jours de télétravail par semaine. Une gageure selon l’Observatoire puisque la réduction des capacités d’accueil sur site rend impossible dans beaucoup d’entreprises et d’administrations un retour massif des salariés. « L’accélération des réorganisations des espaces que les employeurs ont engagée depuis 2020 entre en totale contradiction avec la volonté de revoir les sites de travail remplis à 100 % de l’effectif ». 26 % des participants à l’enquête déclarent que la mise en place du télétravail s’est accompagnée d’une réorganisation de leur espace de travail en « open space », et 32 % en « flex office ».

Enfin, l’étude confirme les difficultés de manager à distance. Plus de la moitié (57 %) des managers estiment en effet que le télétravail rend leur mission plus complexe, tandis que 47 % soulignent la difficulté à garder une cohérence de groupe entre les salariés en télétravail et sur site.

J-F. Rio

(1) Un questionnaire de 117 questions a été diffusé du 26 juin 2023 au 22 octobre 2023 sur les réseaux sociaux. Sans prétention à l’exhaustivité ou à la représentativité parfaite. L’échantillon recueilli peut comporter des biais de sélection, c’est-à-dire que les répondants ne présentent pas forcément les mêmes caractéristiques que l’ensemble de la population. Par conséquent, des traitements statistiques (méthode dite de calage sur marges) ont été appliqués pour redresser la structure de l’échantillon (par âge, genre, PCS, type d’employeur et de contrat, région et syndicalisation) afin que l’échantillon redressé ait les mêmes caractéristiques que la population française. Près de 7 800 réponses ont été recueillies, parmi elles 5 400 ont été exploitées.

Télétravail : les recommandations de l’Ugict-CGT Après analyse des résultats de cette étude, le syndicat a listé une série de mesures pour répondre aux besoins des télétravailleurs :

- la nécessité que les directions prennent en charge l’intégralité des dépenses afférentes au télétravail des équipements informatiques, aux abonnements internet en passant par une participation aux frais de loyer et de chauffage ;

- l’encadrement du temps passé en télétravail, avec l’application des durées maximales de travail y compris au forfait-jour, et une définition claire des plages horaires sur lesquelles les salariés doivent être joignables ;

- la garantie du maintien du contact avec les collègues : avec une norme du télétravail qui atteint au maximum un mi-temps pour permettre au collectif de travail de se retrouver au complet, mais aussi de nouveaux droits de communication pour les représentants du personnel et des formations pour le management de proximité ;

- le droit d’organiser son télétravail librement, avec un droit à la réversibilité à la demande des salariés, et la protection contre les systèmes de surveillance au travail ;

- un droit réel à la déconnexion avec des trêves d’utilisation des outils numériques et un contrôle des représentants du personnel sur le respect de ce droit ;

- le respect de l’égalité femmes-hommes en contexte de télétravail : réduire la charge des salariés pour les personnes en charge de personnes dépendantes, un droit opposable au télétravail pour les femmes enceintes, de la prévention contre les violences sexistes et sexuelles en télétravail, et des outils de prévention contre les violences intrafamiliales comme cela est prévu par la convention 190 de l’OIT ratifiée par la France ;

- un management alternatif, adapté à cette nouvelle réalité professionnelle avec des moyens pour le mettre en œuvre tels que des formations ;

- des lieux de travail adaptés où chaque salarié a droit au maintien de son poste et peut participer à la conception des espaces de travail qu’il occupe ;

- des droits spécifiques en cas de problèmes de santé ;

- des mesures de protection quelle que soit la situation des salariés avec la souscription par l’employeur de polices d’assurance.