• Le niveau de détresse psychologique des salariés toujours aussi prépondérant
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Le niveau de détresse psychologique des salariés toujours aussi prépondérant

Le niveau de détresse psychologique des salariés toujours aussi prépondérant

Mis à jour le 02/04/2025

  • La rédaction de liaisons-sociales.fr
  • Le degré de détresse psychologique des salariés reste préoccupant, selon les résultats de la 14e édition du baromètre "État de santé psychologique des salariés français" réalisé par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine et dévoilé le 1er avril.
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© Gettyimages

Réalisée auprès d’un échantillon de 2 030 salariés et de 308 responsables RH, l’étude d’Empreinte Humaine, un cabinet spécialisé dans la QVT et la prévention des risques psychosociaux (RPS), révèle un niveau de détresse psychologique (1) des salariés français toujours aussi important.

Alors que la santé mentale est consacrée grande cause nationale 2025, 45 % des travailleurs sont en effet dans un état de détresse psychologique, soit une hausse de 3 points par rapport à la précédente édition du baromètre en juin 2024. Les secteurs les plus touchés sont les services (45 %), le BTP (44 %) et l’agriculture/industrie (42 %). Plus d'un salarié sur dix (13 %, -2 points) se trouve toujours en situation de détresse psychologique élevée, pouvant entraîner une hospitalisation et des arrêts de travail de longue durée. « Les indicateurs de santé mentale au travail que nous suivons depuis cinq ans restent constants et malheureusement très dégradés. Les troubles mentaux demeurent la première cause des arrêts longs », remarque Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine.

Charge de travail excessive

Si les facteurs exogènes à la détresse psychologique sont toujours présents (9 salariés sur 10 trouvent que le monde est de plus en plus VICA - Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu), 70 % des sondés en détresse psychologique estiment que leur état est lié à leur activité professionnelle. En cause : une charge de travail excessive, des changements incessants dans l’organisation, l’introduction de nouveaux outils, mais aussi un manque de reconnaissance et une insatisfaction quant à la qualité du travail effectué, ce qui écorne le sens au travail. A noter que 34 % des salariés estiment que l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux USA favorise l’expression d’une intolérance grandissante (propos racistes et sexistes, homophobie…) dans leur entreprise, « ce qui peut directement impacter le climat de travail et, par conséquent, la santé psychologique des employés », note Empreinte Humaine.

Les jeunes et les femmes les plus affectés

Autre point d’inquiétude : à 31 % le taux de burn-out reste stable, mais 10 % des salariés présentent un risque d’épuisement sévère. De plus, ils sont 29 % à pouvoir potentiellement développer une dépression. Un chiffre en augmentation de 2 points, en adéquation avec une étude publiée par AXA le 27 mars dernier, pour qui près d'un tiers de la population éprouve actuellement des problèmes de santé mentale, une proportion qui se retrouve chez les actifs, les jeunes étant particulièrement affectés.

Selon le baromètre Empreinte Humaine, les populations les plus concernées par la détresse psychologique sont les salariés âgés de 30 à 39 ans (54 %, +24 points), les employés (53 %), les femmes (52 %) et les plus jeunes générations (49 %). « L’augmentation très importante pour les 30-39 ans peut être liée à l’avancement en âge des moins de 29 ans exposés à la crise Covid », avance Christophe Nguyen. Bonne nouvelle en revanche, les managers et les télétravailleurs sortent du classement des familles les plus exposées.

Montée de l’individualisme au travail

Les salariés demeurent en attente d’une plus grande sécurité psychologique au travail. Moins de la moitié (44 %) estime que la prévention du stress implique tous les niveaux hiérarchiques de leur organisation, tandis que pour 35 % des sondés, la direction de leur entreprise considère que la santé psychologique du personnel est aussi importante que la productivité. De plus, seuls 30 % des salariés jugent que la direction de leur entreprise démontre sa préoccupation pour la prévention du stress par son implication et son engagement. Un bon climat de sécurité psychologique diminue pourtant sensiblement les risques pour la santé mentale, rappelle l’étude.

Autre constat pointé pour la première fois par Empreinte humaine : le délitement des collectifs de travail. Six personnes sur dix constatent en effet une montée de l'individualisme au travail, qui est associée à un risque 1,6 fois plus élevé pour la santé mentale. Pour 50 % des salariés, leur environnement de travail les incite à privilégier leurs objectifs professionnels individuels au détriment de la collaboration. Parmi les causes de la monté de l’individualisme, les répondants citent un manque de reconnaissance collective (44 %), la pression sur les performances (39 %), une compétition entre les individus favorisée par les objectifs individuels (30 %). Plus surprenant : seuls 13 % l’attribuent au télétravail et à la distanciation physique. 7 salariés sur 10 estiment également que l’individualisme nuit à la performance globale de l’entreprise.

Des managers et des RH en première ligne et en souffrance

Face à cette détresse psychologique, les managers sont en première ligne. Ils doivent davantage gérer les problèmes personnels et psychologiques de leurs collaborateurs, ce qui pèse sur leur propre santé mentale. 60 % d’entre eux déclarent ainsi que les risques psychosociaux et les problèmes de santé mentale occupent de plus en plus de temps dans leur quotidien. Dans la même proportion, les encadrants vivent comme des injonctions paradoxales de devoir à la fois atteindre les objectifs fixés et la prévention du stress au travail. « Une situation qui génère beaucoup de détresse psychologique. Les managers, et notamment ceux de proximité, ne sont pas assez soutenus par les entreprises », tranche Christophe Nguyen.

Les responsables RH sont tout autant sous pression et peu aidés par leur hiérarchie. Un tiers de ces professionnels est pourtant en état de détresse psychologique, dont 15 % à un niveau élevé. Il faut dire qu’en sus de leurs missions, 74 % déclarent gérer des situations personnelles difficiles de salariés liées à des problématiques de surendettement, de logement ou de situations familiales compliquées. 54 % des RH constatent en outre des augmentations des cas de risques psychosociaux et des problèmes de santé mentale, et plus particulièrement de burn out (70 %). Enfin, 9 RH sur 10 reconnaissent être davantage dans une posture réactive que préventive face aux soucis de santé mentale.

Ecarts de perception

L’étude relève également un écart significatif entre la perception des salariés et des responsables RH concernant les actions de prévention. Alors que 72 % des RH estiment que les actions sont suffisantes, seulement 61 % des salariés partagent cet avis. Six sur 10 affirment que la prévention des risques psychosociaux n'est pas une priorité dans leur entreprise. Pour les responsables RH, les actions déployées sont la formalisation du document unique intégrant les risques psychosociaux (62 %), l’évaluation des RPS (49 %) et la mesure de l’état de santé psychologique des salariés (49 %).

Face à cette situation critique, les experts du cabinet Empreinte Humaine recommandent notamment de mettre en place des actions concrètes pour prévenir les risques psychosociaux, de créer un climat de sécurité psychologique et soutenir les managers et les responsables RH en vue de les aider à gérer les problèmes de santé mentale de leurs collaborateurs.

J-F. Rio

(1) La détresse psychologique chevauche à la fois des symptômes de dépression et d’épuisement. Lorsqu’elle n’est pas traitée, elle risque d’entraîner des problèmes de santé plus graves, tels que diverses maladies psychosomatiques, l’hypertension artérielle, différents troubles anxieux, la dépression sévère et des troubles addictifs. Selon Empreinte Humaine, la mesure de la détresse psychologique se base sur un indicateur validé scientifiquement, traduit en 25 langues dans des centaines de publications scientifiques.