• Liaisons sociales Quotidien - L'actualité, Nº 18193, 30 novembre 2020
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Télétravail : ce que prévoit le nouvel accord national interprofessionnel

Télétravail : ce que prévoit le nouvel accord national interprofessionnel

Mis à jour le 30/11/2020

  • Les partenaires sociaux ont finalisé le 26 novembre un projet d’accord national interprofessionnel sur le télétravail. Il devrait être signé par sept des huit organisations représentant les employeurs et les salariés. Mise en œuvre du télétravail, droit des télétravailleurs, etc. Ce texte, dont l’objectif est de faciliter la mise en place du télétravail, ne crée pas de droits nouveaux, mais répertorie et clarifie les règles applicables existantes.
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« L’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail » sera paraphé par les trois organisations patronales et devrait l’être par quatre organisations syndicales (v. l’article ci-après). S’il vient compléter le cadre juridique du télétravail, composé de l’ANI du 19 juillet 2005 relatif au télétravail et des articles L. 1222-9 à L. 1222-11 du Code du travail, cet accord n’a pas vocation à créer des droits nouveaux. Il entend avant tout « expliciter l’environnement juridique applicable au télétravail et proposer aux acteurs sociaux dans l’entreprise, et dans les branches professionnelles, un outil d’aide au dialogue social, et un appui à la négociation », destiné à favoriser la mise en œuvre réussie du télétravail. La conclusion de cet ANI valide le diagnostic paritaire sur le télétravail auxquels avaient abouti les partenaires sociaux le 22 septembre dernier (v. l’actualité no 18147 du 24 septembre 2020).

Intégrer le télétravail dans l’entreprise

Afin de préserver l’efficacité du travail et les fonctionnements collectifs, les entreprises sont invitées à réfléchir à l’articulation entre le travail en présentiel et en distanciel, notamment dans le cadre « du dialogue social et professionnel ». Elles sont appelées à tirer les enseignements des mesures prises pour la continuité d’activité pendant la crise sanitaire.

Une vigilance particulière doit également être portée à la préservation de la cohésion sociale interne. Afin d’identifier les facteurs clés de succès, au regard des spécificités de l’entreprise, le texte propose aux entreprises de passer par une phase d’expérimentation suivie d’un bilan.

Facteur d’attractivité et de fidélisation des salariés, le télétravail peut figurer dans les offres d’emploi.

Mettre en place le télétravail en identifiant les activités éligibles

Après avoir rappelé les règles de mise en place du télétravail, y compris en cas de circonstances exceptionnelles, l’accord insiste sur l’importance d’identifier les activités éligibles au télétravail. Cette identification préalable relève de la responsabilité de l’employeur et de son pouvoir de direction. « La définition des critères d’éligibilité peut [néanmoins] utilement alimenter le dialogue social », souligne le texte tout en rappelant que le CSE « doit être consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise, dont les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail ».

Plus largement, l’ANI fait du dialogue social un « gage de réussite » de la mise en place d’un télétravail adapté à l’entreprise. Des négociations périodiques, comme celles sur la qualité de vie au travail ou le droit à la déconnexion, peuvent ainsi permettre de lancer une négociation sur le télétravail. Quant aux entreprises dépourvues de délégués syndicaux ou de CSE, elles sont encouragées à « se concerter avec les salariés, au regard d’un accord de branche conclu sur ce thème, s’il existe ».

Les conditions d’accès au télétravail

Le texte redéfinit les conditions d’accès au télétravail en remplaçant les articles 2 et 3 de l’ANI de 2005. À ce titre, il réaffirme la règle du double volontariat (salarié et employeur), sauf en cas de circonstances exceptionnelles ou force majeure.

Selon le texte, le télétravail peut toujours être institué dès l’embauche ou en cours d’exécution du contrat de travail. Dans ce second cas, la conclusion d’un avenant au contrat de travail n’est plus prévue. L’employeur et le salarié peuvent, en l’absence de dispositions prévues par accord ou charte, formaliser leur accord par tout moyen. Toutefois, précise le texte, il est utile de « recourir à un écrit, quel qu’il soit, afin, notamment, d’établir la preuve de l’accord ».

Des précisions sont apportées sur les informations devant être fournies par écrit aux salariés accédant au télétravail, en particulier sur « les modalités d’articulation entre télétravail et présentiel » et « les règles de prise en charge des frais professionnels, telles que définies dans l’entreprise ».

Concernant le refus de l’employeur d’un passage en télétravail, l’ANI rappelle les règles édictées à l’article L. 1222-9 du Code du travail. Il doit motiver sa décision que dans certains cas listés, notamment si le salarié occupe un poste « télétravaillable » en vertu d’un accord ou d’une charte. Dans les autres situations, l’employeur est simplement invité à préciser les raisons de son refus. De plus, le refus d’un salarié de passer en télétravail ne constitue toujours pas, en soi, « un motif de rupture du contrat de travail ».

Les modalités de sortie du télétravail

L’existence d’une période d’adaptation, pendant laquelle employeur et salarié peuvent mettre un terme au télétravail en respectant un délai de prévenance préalablement défini, est conservée. Elle permet au salarié de retrouver son poste au sein de l’entreprise.

Quant aux règles de réversibilité du télétravail régulier, elles ont été précisées. Si le télétravail était prévu lors de son recrutement, le salarié continuera à bénéficier d’une simple priorité d’accès à « tout emploi vacant, s’exerçant dans les locaux de l’entreprise et correspondant à sa qualification ». En revanche, lorsque le télétravail ne faisait pas partie de ses conditions d’embauche, le salarié doit désormais retrouver son poste dans l’entreprise. Dans tous les cas, ajoute le texte, « l’employeur peut organiser les conditions du retour ponctuel du salarié en télétravail dans les locaux de l’entreprise en cas de besoin particulier, de sa propre initiative ou à la demande du salarié ».

L’organisation du télétravail

Maintien du lien de subordination, durée du travail, temps de repos, formation, etc., les télétravailleurs ont les mêmes droits que les salariés en présentiel, rappelle le texte.

Dans ce cadre, l’employeur doit contrôler la durée du travail du salarié. Le texte rappelle, à ce sujet, les conditions légales de mise en place de moyens de contrôle de l’activité et du temps de travail du salarié (proportionnalité, consultation préalable du CSE et information préalable du salarié). L’employeur doit définir avec le salarié les « plages horaires durant lesquelles il peut le contacter, en cohérence avec les horaires de travail en vigueur dans l’entreprise ».

Quant à la fréquence de recours au télétravail (hors circonstance exceptionnelle), elle est déterminée par accord entre l’employeur et le salarié. Sans s’opposer au télétravail à temps complet, l’accord attire l’attention sur l’importance d’équilibrer le temps de télétravail et le temps de travail sur site pour éviter de rompre le lien social.

La prise en charge des frais professionnels

Sur la prise en charge des frais professionnels du télétravailleur, l’accord confirme qu’elle doit être assurée par l’employeur. Toutefois, précise le texte, ne sont couvertes que « les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur ». L’accord ne fait pas de la question des frais professionnels un nouveau thème obligatoire de négociation, mais prévoit toutefois que « le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels » peut être un sujet de dialogue social dans l’entreprise. Le texte indique aussi que l’allocation forfaitaire éventuellement versée par l’employeur pour rembourser le salarié est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations sociales dans la limite des seuils prévus par la loi.

Que le salarié travaille avec ses outils numériques ou ceux fournis par l’entreprise, son employeur doit « assurer la protection de ses données personnelles et de celles qu’il traite à des fins professionnelles. Le salarié doit aussi être informé des restrictions qui s’imposent à lui dans l’usage des équipements informatiques et des sanctions encourues en cas de non-respect. À titre de bonne pratique, l’ANI retient que l’entreprise peut notamment communiquer à ses salariés « un socle de consignes minimales à respecter » ou « une liste d’outils de communication et de travail collaboratif appropriés au travail à distance ».

Les règles de santé et de sécurité

Les télétravailleurs bénéficient des mêmes protections en matière de santé et de sécurité au travail que les autres salariés. Cependant, l’ANI précise qu’« il doit être tenu compte du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée ». Comme auparavant, la présomption d’imputabilité en matière d’accidents de travail s’applique dans le cadre du télétravail, et ce, ajoute désormais le texte, « malgré les difficultés de mise en œuvre pratique » qu’elle occasionne.

En outre, le texte souligne l’importance de la prise en compte du télétravail dans la démarche d’analyse de risque qui doit être transcrite dans le document unique d’évaluation des risques (DUER).

Enfin, l’employeur doit, insiste le texte, informer le salarié en télétravail de la politique de l’entreprise en matière de santé et sécurité, en particulier, sur l’utilisation des écrans et en matière d’ergonomie. Quant au salarié, il est « est tenu de respecter et d’appliquer correctement ces règles de prévention et de sécurité ».

Adapter les pratiques managériales

Le télétravail « fait évoluer la manière d’animer la communauté de travail et peut donc s’accompagner de la mise en place de pratiques managériales spécifiques ». L’adaptation des pratiques managériales doit être réalisée en fonction du socle tiré de l’ANI encadrement du 28 février 2020 (v. l’actualité no 18085 du 22 juin 2020) qui repose sur une relation de confiance entre un responsable et chaque télétravailleur et sur deux aptitudes complémentaires : l’autonomie et la responsabilité nécessaires au télétravail.

D’après l’accord, le manager, accompagné de sa hiérarchie, « a un rôle clé dans la mise en œuvre opérationnelle du télétravail, notamment parce qu’il assure ou participe à la fixation des objectifs du salarié ». Il lui revient « de favoriser l’articulation entre travail sur site et à distance et de garantir le maintien du lien social entre le télétravailleur et l’entreprise.

Pour faciliter le management à distance (répartition de la charge de travail, résolution des dysfonctionnements, etc.) et permettre une plus grande délégation de responsabilité, l’ANI préconise de définir des objectifs clairs pour les salariés.

Le texte met aussi en avant la nécessité d’assurer la montée en compétences des managers et des salariés face aux évolutions engendrées par le télétravail. Des guides pratiques peuvent leur être fournis et diverses formations peuvent leur être proposées (autonomie du salarié, séquençage de la journée, respect de la durée du travail, utilisation des outils numériques et collaboratifs et cybersécurité, etc.). Il est recommandé que les managers soient formés, dès leur prise de poste, au management à distance notamment dans le cadre du futur « CLéA Manager » dont la création a été actée par l’ANI encadrement.

Enfin, précise le texte, « la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) peut intégrer le télétravail afin d’assurer une cohérence entre l’évolution des modes de travail et le développement des compétences nécessaires au télétravail ».

Les salariés nécessitant une attention particulière

Le télétravail ne doit ni nuire au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, ni nuire à la progression des carrières, souligne le texte qui recense les salariés nécessitant une attention particulière.

S’agissant des alternants, le télétravail peut nécessiter une adaptation des pratiques « pour garantir l’encadrement des missions de l’alternant par le manager, et la continuité de la relation avec le tuteur ou le maître d’apprentissage ». Une période peut également être prévue pour les nouveaux salariés à l’issue de laquelle ils peuvent accéder au télétravail.

Le télétravail peut constituer un outil de prévention de la désinsertion professionnelle pour les salariés en situation de handicap ou atteints d’une maladie chronique évolutive ou invalidante. Il peut aussi être mobilisé pour faciliter l’activité des aidants familiaux.

Préserver la relation de travail avec le salarié

L’accord met également en avant le risque d’isolement des télétravailleurs et des salariés sur site en cas de circonstances exceptionnelles. Le maintien du lien social malgré l’éloignement des équipes relève, selon le texte, de la responsabilité sociétale de l’entreprise. En outre, la prévention de l’isolement des salariés intéresse autant la santé des télétravailleurs que le maintien du sentiment d’appartenance à l’entreprise. Elle peut être favorisée par l’établissement de « règles de fonctionnement communes » relatives par exemple « aux responsabilités individuelles et collectives, à la marge de manœuvre et à l’autonomie de chacun ». De plus, le texte prévoit que « le salarié en télétravail doit pouvoir alerter son manager de son éventuel sentiment d’isolement » afin d’y remédier.

La continuité du rôle des IRP et du dialogue social en télétravail

L’ANI rappelle que les salariés en télétravail ont les mêmes droits collectifs que les salariés en présentiel « s’agissant de leurs relations avec les représentants du personnel, s’ils existent, et l’accès aux informations syndicales ». Sans en imposer la pratique, le texte retient à titre d’exemple que « des entreprises ont mis en place un “local syndical numérique”, des panneaux d’affichage en ligne, etc. ». De plus, afin que les représentants élus du personnel et les mandataires syndicaux puissent maintenir le lien avec les salariés en télétravail, l’accord préconise de définir des « modalités adaptées d’utilisation des outils numériques » dans les accords ou les chartes organisant le télétravail.

Le texte rappelle aussi que « les règles collectives de travail légales et conventionnelles s’appliquent pleinement en cas de recours au télétravail », en particulier celles relatives aux négociations périodiques obligatoires. Le développement du télétravail nécessite d’adapter l’organisation du dialogue social d’entreprise ou de branche, afin qu’il puisse « s’exercer dans des conditions efficaces et satisfaisantes pour tous ». Les signataires estiment que « l’organisation des réunions sur site est préférable », tout en rappelant que la réglementation autorise la tenue de réunion de négociation ou du CSE à distance en l’absence d’accord spécifique, afin, notamment, de répondre à des situations particulières.

Le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles

Cherchant à tirer les leçons, de la pandémie de Covid-19 qui a entraîné un recours massif au télétravail, l’ANI invite à anticiper une telle situation et à prévoir dans l’accord ou la charte les modalités applicables en cas de circonstances exceptionnelles. En ce sens, il incite les entreprises à élaborer un plan de continuité d’activité et à identifier en amont les activités éligibles.

En l’absence d’accord ou de charte, il est rappelé que le CSE doit être consulté. Mais, précise le texte, en raison de l’urgence, il peut l’être a posteriori. Dans ce cas, la consultation du CSE doit intervenir dans les plus brefs délais.

Et en l’absence de délégués syndicaux et de CSE, les employeurs sont encouragés « à organiser des concertations avec les salariés avant de mettre en place le plan de continuité par décision unilatérale ».

La mise en télétravail s’imposant aux salariés en cas de circonstances exceptionnelles, l’accord prévoit que l’employeur doit procéder « à une information des salariés par tout moyen, si possible par écrit, en respectant, autant que faire se peut, un délai de prévenance suffisant ».

Globalement, les règles applicables au télétravail régulier ou occasionnel exposées plus haut, ont vocation à s’appliquer en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. Il en va ainsi des règles relatives à l’organisation du télétravail (y compris la prise en charge des frais professionnels), à la santé et la sécurité, aux pratiques managériales et à la prévention de l’isolement. De manière concrète, le texte précise aussi qu’en cas de circonstances exceptionnelles le salarié peut avoir à utiliser son matériel informatique quand l’employeur ne lui en a pas fourni.

Pour préserver le fonctionnement des instances représentatives du personnel, l’ANI souligne « l’intérêt de prévoir un protocole de fonctionnement en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure ». Un accord peut en ce sens adapter certaines règles du dialogue social notamment pour assouplir les modalités d’organisation des informations et consultations, et des négociations (aménagement des délais de consultation, réunions en visioconférence). Cet accord peut aussi adapter les règles de communication entre les salariés et leurs représentants pour faciliter l’exercice du droit syndical en cas de télétravail généralisé.

LES CHAPITRES DE L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL Préambule

1. Le télétravail dans l’entreprise

2. La mise en place du télétravail

3. L’organisation du télétravail

4. L’accompagnement des collaborateurs et des managers

5. La préservation de la relation de travail avec le salarié

6. La continuité du dialogue social de proximité en situation de télétravail

7. La mise en œuvre du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles et de force majeure

8. Comité de suivi paritaire

9. Durée, règles de révision et de dénonciation, extension de l’accord]