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Période d’essai : Voltaire Avocats décrypte l’impact de la loi adaptant le Code du travail au droit européen

Période d’essai : Voltaire Avocats décrypte l’impact de la loi adaptant le Code du travail au droit européen

Mis à jour le 03/04/2023

  • La rédaction de Liaisons sociales quotidien
  • À compter du 9 septembre prochain, les accords de branche conclus avant le 26 juin 2008 ne pourront plus prévoir des durées de période d’essai plus longues que les durées maximales légales. C’est ce que prévoit la loi adaptant le Code du travail au droit de l’UE (v. le dossier juridique -Droit trav.- nº 56/2023 du 22 mars 2023). Quelle est l’incidence d’une telle mesure sur les accords d’entreprise ? Et sur les contrats de travail ? Pourrait-elle être déclarée inconstitutionnelle ? Réponses avec David Guillouet, avocat associé, et Alexandra Dabrowiecki, avocate, du cabinet Voltaire Avocats.
Portée

David Guillouet, avocat associé et Alexandra Dabrowiecki, avocate, du cabinet Voltaire Avocats

Que prévoit la loi adaptant le Code du travail au droit de l’UE ?

La loi no 2023-171 du 9 mars 2023, dite « DDADUE », est venue transposer plusieurs mesures issues du droit de l’Union européenne, notamment sur les congés familiaux, les informations écrites qui doivent être délivrées aux salariés ou encore sur la durée maximale de la période d’essai. L’article 8, 1º de directive (UE) 2019/1152 du 20 juin 2019 intitulée « durée maximale de la période d’essai » dispose, en effet, que « les États membres veillent à ce que, lorsque la relation de travail fait l’objet d’une période d’essai telle qu’elle est définie dans le droit national ou la pratique nationale, cette période n’excède pas six mois ».

En droit français, la durée maximale de la période d’essai est fixée par l’article L. 1221-21 du Code du travail à deux mois pour les ouvriers et les employés, trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, quatre mois pour les cadres. L’alinéa 2 de l’article L. 1221-22 du Code du travail autorise néanmoins les accords de branche, conclus avant le 26 juin 2008, à prévoir des durées plus longues. L’article 9 de la loi ­DDADUE supprime cette disposition, mettant ainsi fin à cette dérogation.

Cela concerne également le renouvellement des périodes d’essai ?

La loi DDADUE maintient la possibilité de renouveler la période d’essai une fois si un accord de branche étendu le prévoit.

L’article L. 1221-22 du Code du travail précise que la durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser quatre mois pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et techniciens, huit mois pour les cadres. Ainsi, compte tenu du renouvellement, certains cadres pourront toujours être soumis à une période d’essai pouvant attendre huit mois, en contravention avec la durée maximale de six mois fixée par la directive précitée. Notons que cette exception française pourrait se justifier au regard de l’article 8, 3º de la directive aux termes duquel « Les États membres peuvent, à titre exceptionnel, prévoir des périodes d’essai plus longues lorsque la nature de l’emploi le justifie ou lorsque cela est dans l’intérêt du travailleur ».

Cette mesure a-t-elle une incidence pour les entreprises appartenant à une branche devant revoir ses périodes d’essai ?

Il convient de distinguer les hypothèses suivantes.

En présence d’un accord de branche conclu avant le 26 juin 2008 qui prévoit une période d’essai plus longue de celle prévue par la loi, celui-ci reste applicable jusqu’au 9 septembre 2023. Lorsqu’une société est couverte par un accord d’entreprise conclu avant le 26 juin 2008, l’accord est dans tous les cas (durée conventionnelle plus courte ou plus longue que la durée légale) inapplicable.

Si la société est soumise d’une part, à un accord de branche conclu avant le 26 juin 2008 prévoyant une période d’essai plus longue que celle prévue par la loi, et d’autre part, à un accord d’entreprise conclu après cette date qui prévoit une durée plus courte que celle prévue par la loi, c’est ce dernier qui s’applique. En effet l’article L. 2253-3 du Code du travail dispose que les stipulations de l’accord d’entreprise prévalent sur celles, ayant le même objet, prévues par la convention de branche. La loi DDADUE n’a donc aucun impact tant que l’accord d’entreprise trouve application.

Pour rappel, si l’accord de branche ou l’accord d’entreprise, conclu postérieurement au 26 juin 2008, prévoit des périodes d’essai plus courtes que la durée légale, c’est cette durée qui doit être retenue. Enfin, si l’accord de branche ou l’accord d’entreprise, conclu après le 26 juin 2008, prévoit une période d’essai plus longue que la durée légale, c’est la durée légale qui s’applique.

Et sur les contrats de travail ?

Si le contrat de travail prévoit une période d’essai égale ou plus courte que celle prévue par la loi, la loi n’aura aucun impact sur cette durée. A contrario, si un contrat de travail prévoit une période d’essai égale à celle prévue par un accord de branche qui met en place une durée plus longue que celle prévue par la loi, le salarié pourra se prévaloir de l’application des durées légales.

Quid si la branche devant revoir ses périodes d’essai ne se saisit pas de la question d’ici le 9 septembre ?

Si les partenaires sociaux ne renégocient pas les accords de branche pour les mettre en conformité avec les durées maximales prévues par la loi d’ici le 9 septembre 2023, les salariés pourront se prévaloir du principe de faveur, qui régit les rapports entre la loi (ou les textes réglementaires) et les conventions ou accords collectifs de travail, pour solliciter l’application des durées légales maximales qui sont plus favorables.

En revanche, si les salariés ont été recrutés avant le 9 septembre 2023, ils ne devraient pas pouvoir se prévaloir des durées légales plus courtes.

Et si la branche négocie des périodes d’essai allant au-delà des durées légales ?

En prévoyant une période d’essai plus longue que celle prévue par la loi, les partenaires sociaux violeraient des dispositions impératives du Code du travail. À cet égard, aux termes de l’article L. 1221-22 du Code du travail, « les durées des périodes d’essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif ».

Ainsi, dans le cadre d’un contentieux, un salarié pourrait aisément faire écarter les dispositions prévues par l’accord de branche au profit des dispositions prévues par la loi.

En outre, le ministre chargé du Travail pourrait exclure ces dispositions de l’extension ou de l’élargissement en application de l’article L. 2261-25 du Code du travail.

Cette disposition pourrait-elle être déclarée inconstitutionnelle ?

La loi dite « DDADUE » a pour effet de modifier des accords de branche conclus antérieurement à son entrée en vigueur.

Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de rappeler que le législateur ne saurait porter une atteinte qui ne soit pas justifiée par un motif d’intérêt général, aux contrats légalement conclus et n’étant contraire à aucune disposition légale au moment de leurs conclusions.

Sur le fondement de la liberté contractuelle et du droit au maintien de l’économie des contrats, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnelles les dispositions d’une loi ayant pour objet de supprimer les stipulations de conventions collectives contraires à ladite loi, conclues antérieurement à son entrée en vigueur (Cons. const., 7 août 2008, nº 2008-568 DC ; Cons. const., 13 janv. 2000, nº 99-423 DC).

Dans ces conditions, la suppression de l’alinéa 2 de l’article L. 1221-22 du Code du travail qui autorise les accords de branche, conclus avant le 26 juin 2008, à prévoir des durées de période d’essai plus longues que celles prévues par la loi, pourrait être déclarée inconstitutionnelle à l’occasion d’une QPC.

LES BRANCHES PROFESSIONNELLES DANS LESQUELLES LA DURÉE DE LA PÉRIODE D’ESSAI DES CADRES PEUT EXCÉDER LA DURÉE LÉGALE MAXIMALE

Branche professionnelle

Transport aérien personnel au sol

Remontées mécaniques

Salariés permanents ETT

Promotion construction

Formation organismes

Assurance sociétés

Assurance sociétés inspection

Banque

Mutualités

Durée de la période d’essai (en mois)

6 + 6 pour les cadres classés catégorie III

9 pour les cadres

6 + 6 pour les cadres classés catégorie VII

3 à 6 renouvelables pour les cadres classés catégories V et VI

6 + 6 pour les directeurs

6 + 6 pour les cadres

12 + 12 pour les cadres

6 à 9 pour les cadres

6 + 6 pour les directeurs

Source : Direction générale du travail (sur la base des données recueillies par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail pour 2019).