• POLITIQUE SOCIALE
  • Après les retraites, sur quels chantiers sociaux les parlementaires pourraient-ils être amenés à plancher ?
Liaisons sociales Quotidien - L'actualité

Après les retraites, sur quels chantiers sociaux les parlementaires pourraient-ils être amenés à plancher ?

Après les retraites, sur quels chantiers sociaux les parlementaires pourraient-ils être amenés à plancher ?

Mis à jour le 12/04/2023

  • La rédaction de Liaisons sociales quotidien
  • Comment reprendre le fil des réformes sociales après l’épisode de la réforme des retraites ? Depuis plusieurs semaines, la question préoccupe la majorité présidentielle. Partage de la valeur, intégration par le travail en matière migratoire, compte épargne-temps universel… De nombreux sujets sont sur la table. Marc Ferracci, député, vice-président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale et animateur d’un groupe de travail sur le projet de loi Plein-emploi, nous livre quelques pistes de réflexion.
Portée

Marc Ferracci (Renaissance)

© Assemblée nationale

Partage de la valeur : un texte dédié pour transposer l’ANI…

Le partage de la valeur est évoqué comme la principale piste de sortie de crise, une fois la réforme des retraites promulguée. Marc Ferracci souhaite le dépôt rapide d’une proposition de loi à l’Assemblée nationale. « La logique, c’est que ce texte arrive assez vite avec l’idée de transposer de la manière la plus fidèle possible l’ANI du 10 février dernier, il n’y a pas d’ambiguïté », souligne- t-il (v. l’actualité nº18735 du 14 févr. 2023). Des auditions avec les organisations syndicales et patronales signataires sont en cours pour comprendre précisément la philosophie de l’accord.

Cette volonté de coller au contenu du compromis trouvé entre partenaires sociaux, imposée par Élisabeth Borne (v. l’actualité nº18741 du 22 févr. 2023), semble faire consensus au sein de la majorité. « L’objectif est d’être dans la ligne de l’ANI et de retranscrire fidèlement son esprit et sa lettre », confirme Louis Marguerite (Renaissance), co-rapporteur d’une mission d’information sur le partage de la valeur.

… et reprendre la promesse d’E. Macron sur les profits exceptionnels

Le 22 mars dernier, le président de la République a esquissé les contours d’une mesure non prévue dans l’ANI afin de « distribuer davantage » aux salariés en cas de profits exceptionnels (v. l’actualité nº18763 du 24 mars 2023). « L’idée est d’utiliser la loi en préparation pour la concrétiser », considère Marc Ferracci qui ne souhaite pas à titre personnel aller plus loin que cette annonce présidentielle. Le député envisage ainsi une « amplification de manière obligatoire des dispositifs de partage de la valeur existants, notamment l’intéressement et la participation, dans les entreprises de plus de 5 000 salariés qui opèrent des rachats d’actions ».

Pour quel véhicule législatif opterait le gouvernement ? La proposition de loi transposant l’ANI sur le partage de la valeur ? « C’est en discussion, mais pas certain », souligne Louis Marguerite (Renaissance). Pour un négociateur syndical, cela serait « problématique ». En intégrant cette mesure dans la proposition de loi, les parlementaires passeraient, estime-t-il, à côté de l’objectif principal des partenaires sociaux : développer le partage de la valeur dans les plus petites entreprises. Il rappelle, à ce sujet, l’engagement de la Première ministre à obtenir l’accord de l’ensemble des signataires avant toute mesure complémentaire à l’ANI (v. l’actualité nº18741 du 22 févr. 2023).

Immigration : vers une loi consacrée à l’intégration par le travail…

Le 22 mars dernier, Emmanuel Macron a annoncé son intention de découper en plusieurs textes le projet de loi Immigration, qui devait être examiné en séance publique au Sénat à compter du 28 mars (v. l’actualité nº18763 du 24 mars 2023 ; v. le dossier juridique -Contrôle- nº58/2023 du 24 mars 2023). Marc Ferracci confirme que les dispositions sur l’intégration par le travail « pourraient faire l’objet d’un texte spécifique », susceptible d’être adopté avec les voix de la gauche, en parallèle d’un texte contenant les mesures régaliennes. À ses yeux, la stratégie présidentielle « obligera les parlementaires à être ambitieux sur chaque partie ». Il assure notamment être « ouvert sur le périmètre et le fonctionnement » du titre de séjour métiers en tension, mesure phare qui complique la recherche d’une majorité au Parlement. « Tout cela est encore fragile » au regard du contexte politique, reconnaît le député Renaissance. La droite sénatoriale s’est en effet frontalement opposée à un examen par séquence du texte sur l’immigration et réitère son opposition de principe au titre de séjour métiers en tension.

… et un titre de séjour « à points »

Sur l’immigration économique, faut-il aller plus loin que le projet présenté en Conseil des ministres ? Marc Ferracci le souhaite afin de favoriser l’immigration qualifiée. Il travaille, de concert avec Christopher Weissberg (Renaissance), à la mise en place d’un titre de séjour à points, qui remplacerait l’actuel « passeport talents ». Cette mesure s’ajouterait au titre de séjour métiers en tension. Ça serait « complémentaire », assure le proche d’Emmanuel Macron.

Comment fonctionnerait ce nouveau dispositif ? « L’idée est que si vous cochez telle case en matière de diplôme, vous obtenez tant de points. Idem en matière de maîtrise de la langue, d’offre d’emploi dont vous pouvez justifier ou d’expérience professionnelle. Serait ensuite fixé un seuil au-delà duquel vous obtiendriez votre titre de séjour pluriannuel », nous explique Marc Ferracci en évoquant des contacts avec le gouvernement sur ses aspects techniques. Les différents critères pourraient être discutés régulièrement au Parlement dans le cadre d’un débat sur l’immigration. Interrogé sur la prise en compte du lieu d’origine, il nous confie avoir « abandonné cette idée ».

L’index et le CDI seniors repris dans le PJL Plein-emploi en cas de censure

L’index seniors et le CDI seniors, principales mesures de la réforme des retraites pour favoriser leur emploi, pourraient être censurés par le Conseil constitutionnel le 14 avril prochain, comme le pense la maîtresse de conférences en droit public Anne-Claire Dufour (v. l’actualité nº18771 du 5 avr. 2023). Si elles le sont, « elles ont une place qui les attend » dans le projet de loi Plein-emploi qui devrait être présenté en Conseil des ministres dans les prochaines semaines, confirme Marc Ferracci.

Une question, qui a animé les débats parlementaires, y compris au sein de la majorité, pourrait ainsi refaire surface. Faut-il assortir l’index seniors de sanctions en cas de résultat insuffisant ou dégradé ? « Cela ne me paraît pas être une bonne idée, mais il faudra être pragmatique dans un ou deux ans si le dispositif actuel ne marche pas, y compris en faisant quelque chose de plus contraignant », estime Marc Ferracci. Par ailleurs, il « souhaite que les indicateurs de l’index seniors, fixés par décret, soient le plus simple possible ». Deux, voire trois données pourraient ainsi être envisagées : la proportion des seniors dans l’embauche et dans l’emploi, voire dans la formation. À ses yeux, un index simple et lisible permettrait aux seniors de mieux cibler les entreprises auprès desquelles ils vont candidater.

Sur le CDI seniors, l’ancien conseiller ministériel affiche son scepticisme. « Ce n’est pas une très bonne mesure ». À ses yeux, l’exonération de charges prévue pourrait créer « de gros effets d’aubaine ». Le député Renaissance privilégierait un « dispositif incitatif qui aiderait les seniors à reprendre le plus rapidement possible un travail, au moyen d’une prime de retour à l’emploi proportionnelle au capital de droits à chômage restants ».

Une négociation interprofessionnelle sur le CET universel ?

Autre mesure annoncée dans le projet de loi Plein-emploi : le CETU (compte épargne-temps universel) (v. le dossier pratique -Temps trav.- nº202/2021 du 8 nov. 2021). « L’idée est de permettre l’accès à un CET sans avoir besoin d’un accord d’entreprise, en le rendant universel et portable d’un employeur à un autre », rappelle Marc Ferracci. Le CETU doit être ouvert à des usages « très larges, notamment pour faire face aux accidents de la vie », estime-t-il. Il doit, à ses yeux, « permettre aux salariés d’accumuler un temps significatif tout au long de leur carrière pour deux usages en lien direct avec la réforme des retraites : se reconvertir en milieu de carrière d’une part, et anticiper leur départ à la retraite d’autre part ». Il souhaite également laisser au salarié le choix, pour solder son CETU, entre la prise de jours de repos et la monétisation, malgré les inquiétudes du patronat.

Au-delà, le député Renaissance admet que « beaucoup d’éléments du CETU doivent être précisés », ce qui justifierait à ses yeux l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle entre partenaires sociaux. Cette hypothèse avait déjà été envisagée par Olivier Dussopt, notamment à l’Assemblée nationale le 6 février dernier. Dans ce cas, le projet de loi Plein-emploi pourrait intégrer une simple habilitation à transposer par ordonnance l’éventuel accord national interprofessionnel sur le CETU.